Découvrir le milieu polaire en kayak, lorsqu’on a l’âge de la retraite, c’est l’aventure tentée par Patrick Picha, ancien inspecteur d’assurances, et Françoise Demerlé, qui dirige une entreprise de broderie industrielle près d’Annecy. Dix jours de navigation et de camping durant l’été polaire.
Patrick et Françoise aiment partir à l’aventure à travers le monde. Une année, c’est un trek au Ladakh. Une autre, l’exploration en Tanzanie et Zanzibar, ou bien encore la plongée en Mer rouge. En France, Patrick fait du vélo et Françoise de la plongée dans le lac d’Annecy avec un détendeur anti-givre. Tous deux font du kayak sur le Rhône ou dans les lacs alpins. En août 2010, ils ont décidé d’explorer le Spitzberg en kayak, lorsque le climat de cet archipel norvégien est adouci par le Gulf Stream. Ils ont donc pris l’avion pour Oslo puis un brise-glace jusqu’à Longyerbeen, la capitale locale (2.500 habitants), peuplée de quelques Norvégiens mais surtout de Russes et de Thaïlandais à la recherche de bons salaires.
Le voyage est organisé par Svalbard Nature, qui fournit tout le matériel (kayaks, tentes, fusils et pétards pour éloigner les ours). Le groupe de quatorze touristes et leur guide mettent les kayaks à la mer dès le premier jour, avec les vivres à l’avant et la tente à l’arrière. Des kayaks assez larges, donc stables, avec un gouvernail de queue que l’on manœuvre du pied. « Le beau temps n’a duré qu’un quart d’heure », remarque Françoise, étonnée par les changements d’une météo capricieuse. Chacun dresse sa tente au fond d’un fjord sur une langue de terre découverte. Heureusement que les voyageurs ont des bottes de caoutchouc car le sol est recouvert d’une mousse qui enfonce.
La tente « mess » est montée ensuite pour la cuisine et le dîner en commun. Le feu est alimenté par du bois flotté, apporté de Sibérie ou de l’Atlantique sud par le Gulf Stream. « On hésite parfois à brûler ces pièces de bois qui portent des dates ou des noms », observe Françoise, admirative des formes prises par le drift wood. Mais il faut bien faire cuire le dîner, l’occasion d’échanges entre les voyageurs qui ne se connaissent pas.
Bien que le jour soit permanent, il faut ensuite dormir, à tour de rôle, avec des sentinelles de veille pour se garder des ours. « On n’en a pas vu un seul », déplore Patrick, car les ours blancs préfèrent arpenter la banquise et les pentes couvertes de neige. Ils ont vu en revanche des renards polaires, très peu farouches, et une multitude d’oiseaux, dont les sternes arctiques. Et aussi des morses, mais de loin.
La journée d’exploration est partagée entre le kayak, de trois à six heures par jour, et le trek à terre. « On a un peu galéré, dit Françoise, qui s’est fait quelques ampoules. Mais, à la réflexion, c’est le voyage le plus extraordinaire que j’ai jamais fait ». Patrick trouve aussi qu’il a « beaucoup ramé », mais que c’est captivant d’évoluer parmi la banquise et les icebergs. Il regrette seulement le peu de contact pris avec l’habitant, trop rare à son goût.
Françoise envisage maintenant d’aller faire de la plongée en Géorgie du Sud, du côté antarctique. Elle a déjà le matériel qu’elle utilise dans le lac d’Annecy. Patrick, qui n’a plus le droit de plonger après un grave accident, suivra avec tuba et masque. « Quand nous serons tous les deux à la retraite, nous explorerons la France à Vélo », annonce Patrick. Cela les changera un peu des treks exotiques et des plongées dans les mers lointaines