La Diada de l'os ou fête de l'ours en Catalogne
Le visage et le corps noircis par un mélange de noir de fumée et d’huile, couverts d’une peau de mouton ou d’une peau d’ours, les « ours » parcourent les ruelles des villages catalans et poursuivent les jeunes filles en âge de se marier; rattrapées, leurs « victimes » sont alors plaquées à même le sol dans un roulé boulé magistral parfois ponctué de mouvements suggestifs qui évoquent la copulation. En Catalogne en effet, si l’ours a disparu des montagnes, il reste le héros des carnavals de Prats-de-Mollo, Saint-Laurent-de-Cerdans et Arles-sur-Tech. Tous les ans, à la fin du mois de février, les « ours » quittent leurs tanières pour parcourir les ruelles des 3 bourgades du Haut-Vallespir, dans les Pyrénées-Orientales, et leurs cavalcades effrénées ravissent alors des centaines de spectateurs venus parfois de très loin pour assister à ces manifestations populaires. Cette tradition, vieille de 600 ans, est l’héritage d’une légende. Un jour, un ours solitaire cherchait une compagne ; n’en trouvant pas, désespéré, il enleva dans le village voisin une jeune bergère et la garda prisonnière dans sa grotte, en ayant au préalable croqué ses brebis… et volé la virginité de la jouvencelle. Selon la légende médiévale, une grande chasse à l’ours fut organisée par les villageois avides de vengeance, et, après de longs affrontements, l’animal fut capturé, enchaîné et conduit sur la place du village. Là, le maire organisa une grande fête pour la victoire de ses braves et, pour humilier l’ours, il ordonna qu’on le rase à l’aide d’une hache. On raconte qu’alors la bête prit forme humaine. Aujourd’hui, lors de ces fêtes, lorsque toutes les proies sont passées entre leurs pattes -et les spectateurs le long du parcours sont parfois, eux aussi, la cible des « plantigrades », fort heureusement freinés par les « chasseurs » qui, gourdes de vin en bandoulière, tirent à blanc sur les « ours » qui s’écroulent-, c’est au tour des « barbiers » d’intervenir. Vêtus et fardés de blanc, au rythme des sardanes, cette si belle musique catalane, ils traquent et capturent les « ours » pour les raser avec une hache et leur apprendre à danser. Une légende, certes, mais qui est devenue un parcours initiatique du passage à la vie d’adulte pour les jeunes hommes et femmes et qui annonce la fin proche de l’hiver et le réveil de la nature.
Reportage Outback Images - Texte Raymond Roig, photos Raymond Roig