L'eau,
un enjeu crucial
Sécheresse ici, inondations là, l’eau ne cesse de nous jouer des tours. Mais c’est une ressource vitale pour l’agriculture, l’industrie, l’hydroélectricité et l’alimentation quotidienne des hommes. Or plus d’un milliard de nos contemporains sont encore condamnés au puits, au fleuve ou au marigot, et rejettent l’eau polluée dans la nature. L’enjeu est mondial. Dans nos campagnes, l’eau n’est arrivée au robinet que dans les années 1960. Et l’assainissement a suivi, cahin-caha. L’irrigation des cultures comme le maïs est arrivée dans les années 1980, au point que c’est l’agriculture, aujourd’hui, qui est la plus grosse consommatrice d’eau à travers le monde, de l’ordre de 70% à 80%. En même temps, partout dans le monde, les campagnes se vident au profit des villes, où l’approvisionnement en eau potable devient toujours plus acrobatique. Dans les banlieues du tiers monde et les bidonvilles, on ne trouve l’eau qu’à des robinets de quartier de plus en plus éloignés. Et les eaux sales s’écoulent comme elles peuvent. Les stations d’épuration urbaines ont permis d’améliorer la qualité de l’eau des fleuves. Mais l’agriculture intensive, à force d’engrais azotés et de lisiers, a peu à peu pollué ruisseaux et petites rivières, ce qu’on appelle la pollution diffuse. Lorsque les phosphates et les nitrates dissous arrivent à la mer, comme en Bretagne, les algues vertes prolifèrent, rendant le tourisme et l’ostréiculture aléatoires. Les pays émergents comme le Brésil, la Chine et l’Inde se sont lancés dans la construction de grands barrages, qui obligent souvent à faire déguerpir les riverains. Certains même envisagent le détournement des fleuves, que ce soit en Russie, en Chine et même en Europe (le Rhône). Avec l’afflux des populations vers le littoral, on doit recourir parfois au dessalement de l’eau de mer, ce qui est très coûteux en équipement et en énergie, donc valable seulement pour l’eau potable, mais pas pour l’agriculture ni l’industrie. Le réchauffement climatique, très sensible depuis les dernières décennies, va rendre la gestion de l’eau encore plus difficile. Les sécheresses et la canicule vont se multiplier, en même temps que les pluies torrentielles ailleurs. Les déséquilibres vont s’accentuer, avec l’Angleterre qui manque d’eau en février et le Danube qui déborde au mois d’août. On assiste à un double phénomène : la population mondiale ne cesse d’augmenter alors que la ressource est constante. La quantité disponible par tête se réduit donc, alors même que la consommation augmente chez tous ceux qui sont raccordés à l’eau courante. La gestion de cette ressource qui tombe du ciel, donc « gratuite », va coûter de plus en plus cher.
Reportage Outback Images - Texte Roger Cans, Photos Albert Arnaud; Séverine Baur, Alain Caliot, Pierre Cussac, Jean-Claude Chantelat, Pierre Geniez, Jean-Paul Gislard, Roger Morin, Francis De Richemont, Thierry Vezon