Miniature entre la terre et la mer, l’espace lagunaire de l’étang du Canet, en Roussillon, vit au rythmedes saisons et du temps. Depuis que les seigneurs du Canet –en 1265- concédèrent aux gens du lieu « le droit de pêcherie », des pêcheurs et leur famille occupent cet espace nourricier. Faisant fi du seul intérêt financier, ils ont su allier traditions et modernités, dans un équilibre constant, par le simple accomplissement de leur métier. Un bel exemple de sagesse…
Des piquetsplantés selon un usage maritime délimitent la trentaine de « postes » attribués aux pêcheurs après tirage au sort. Sitôt les chaleurs passées, début septembre, les filets sont calés, jusqu’aux derniers beaux jours du printemps. Au lever du jour, chaque matin, troublant à peine le silence, les hommes glissent leur silhouette de laboureurs d’eaux calmes, tâtent le sol du bout de leur fique - longue perche de bois – et font avancer à la force des bras le cassou, l’ancestrale barque à fond plat utilisée pour naviguer par faible profondeur.
Au cœur de l’étang, l’anguille file, insouciante, vers le mur de filet, virevolte avant de pénétrer résolument à l’intérieur du trabacou, succession de plusieurs poches étroites (nasses) de 6 m de long dans lesquelles le poisson s’empêtre au fur et à mesure qu’il avance. Les filets levés, la barque revient se prélasser sur le rivage. Retenue par un frêle cordage à l’aplomb impeccable, elle paresse à quelques longueurs d’un lit d’algues sèches et offre au soleil la sensualité de ses formes et de son maquillage carmin ; son double se regarde au fond de l’eau et se dandine au gré de la brise.
Sur la rive, les douze maisons de roseaux s’ouvrent au Midi, à la face de l’étang, posées tels des jalons sous le regard lointain du Canigou et à l’abri des Albères voilées d’azur.