A près de 1 100 m d’altitude, dans le massif du Vercors, en Isère, les calcaires blancs urgoniens sont constitués par les fragments de coraux et coquillages fossiles qui vivaient, il y a 120 millions d’années, dans une mer tropicale peu profonde. La présence de marnes contenant des petits fossiles coniques appelés “orbitolines” atteste de l’existence d’un herbier fossile. Ces marnes remplissaient une vallée sous-marine fossile, la vallée des Rimets.
Il y a 120 millions d’années, le sud de la France, du Jura jusqu’en Provence, était occupé par un océan tropical appelé “Téthys”. Les bordures continentales submergées ceinturant cet océan étaient peu profondes et frangées de récifs. En arrière, se développaient de vastes lagons à fond plat — les plates-formes — où se déposaient les organismes à coquilles ou à squelettes calcaires (rudistes entre autres) qui ont constitué les calcaires dits urgoniens.
Le site des Rimets permet de reconstituer la suite des paysages qui se sont succédés pendant cinq millions d’années. Alors, après le développement de lagons tropicaux peu profonds, le niveau de la mer a baissé de plusieurs dizaines de mètres, le sable blanc des lagons et les débris d’organismes ont émergé, puis ont été cimentés et transformés en calcaire blanc. Cette roche a été en partie dissoute et érodée, ce qui a donné naissance à des vallées comme celle des Rimets dont le rebord Nord est abrupt.
Plus tard, la mer remonta et ennoya ce paysage, ce qui permit la réinstallation d’un nouvel ensemble récifal. Cependant, l’arrivée de sédiments terrigènes en provenance du continent se traduisit par une modification complète du paysage et l’arrêt du développement récifal. A la place, des herbiers s’installèrent, peuplés d’orbitolines, petits organismes unicellulaires coniques à fond plat. Le paysage ressemblait alors à celui des herbiers sous-marins actuels avec une faune très riche de coquillages (gastéropodes, bivalves dont des rudistes, oursins…). Ces dépôts remplissent les dépressions sous-marines et constituent ce que l’on appelle les « marnes à orbitolines ». A la fin de cet épisode, un nouvel abaissement du niveau marin entraîne une nouvelle émersion, suivi d’une lithification et d’une érosion. Quand la mer remonte une nouvelle fois, la surface calcaire noyée est colonisée soit par des bivalves lithophages creusant des trous dans la roche comme les dates de mer actuelles, soit par des oursins qui s’installaient dans des cavités plus larges. Au-dessus de ce niveau, les dépôts marins ne renferment plus de faune récifale, mais des organismes fixés comme les crinoïdes (les lys de mer) typiques d’une mer plus profonde et plus froide.
Reportage Outback Images : Texte Annie Arnaud-Vanneau et Hubert Arnaud,