Altitude 800/1000, début juin, la forêt revit après les dernières chutes de neige printanières ; et le sapin bourgeonne, enfin… Alors commence la récolte des bourgeons nouveaux. Allant d’un arbre à l’autre, les cueilleurs se hâtent ; il faut faire vite, car la récolte ne peut se faire que sur une très courte durée. On les appelle les « chevreuils »*…
Très en vogue jusque vers la fin du 19e siècle, l’absinthe, cet « alcool qui rend fou », fut interdite à la vente par décret en 1914. Pour palier ce manque, Armand Guy, distillateur à Pontarlier depuis 1890, eut alors l’idée, avec son fils Georges, de distiller les bourgeons de sapin, connus depuis longue date et recommandé pour soigner les maux de gorge.
Le prélèvement des bourgeons frais ne se fait que sur les branches inférieures et un bon cueilleur peut en ramasser environ 30 kg en 4 heures. La moitié de la récolte est séchée sur claies à l’air libre, l’autre moitié macère dans de l’alcool d’origine agricole, type méthanol, avant d’être distillé. L’étape suivante consiste à faire infuser les bourgeons secs dans cet alcoolat transparent qui se charge alors de sève durant 2 semaines. Lorsque la dissolution des huiles essentielles est arrivée à saturation, la liqueur a obtenu sa couleur et la touche finale pour son goût. Un goût qui évoque la nature profonde issue des belles forêts franc-comtoises. Cette méthode est unique pour la fabrication de la liqueur de sapin par son côté naturel.
Ici, à Pontarlier, la Distillerie GUY, que dirige aujourd’hui François, arrière-petit-fils du fondateur, est dans l’excellence depuis deux siècles !
Reportage Outback Images : Texte et photos André Choteau
(*) Voir ces autres métiers de la forêt que l’on nomme « sangliers » et « écureuils » en ligne sur notre site.