Vendanges de l'extrême en Alsace,
le vin de glace
On connaissait les vendanges tardives pour vinifier le raisin au stade de « pourriture noble ». Depuis quelques années, des vignerons alsaciens se sont lancés dans une nouvelle aventure : le vin de glace, que l’on fait à partir de grains gelés par grand froid. Un cru rare et recherché. L’idée est venue du Canada, où les viticulteurs connaissent chaque année de grands froids et récoltent parfois le raisin congelé. En France, ce sont des pionniers alsaciens qui ont décidé de faire eux aussi du « vin de glace », dont les arômes sont de qualité exceptionnelle. Sur les côteaux de Zinnkoepflé (Haut-Rhin), qui culminent à 420m, quelque 200 propriétaires de parcelles sur grès et calcaire se livrent à une vendange très tardive pour obtenir des grains à la fois parfumés, grâce à la pourriture noble, et congelés naturellement. La récolte se fait donc par grand froid, avant le lever du soleil, à la lampe frontale. Les grains congelés sont choisis un par un, afin de garantir la qualité du futur élixir, un vin blanc liquoreux de type sylvaner. Le vin de glace ne bénéficie pas d’une reconnaissance officielle, comme les autres AOC, car il concerne très peu de parcelles et ne se récolte pas chaque année. Il faut un froid vif, environ - 10°, pour récolter les grains gelés et en tirer ensuite tous les arômes, notamment ceux qui évoquent le coing et les agrumes confits. Lorsqu’il est bu frais (7°), ce vin accompagne merveilleusement le foie gras. Quand le froid est propice, les lycéens du village le plus proche, Soultzmatt, sont réquisitionnés pour les vendanges. Ils savent qu’ils vont participer à une récolte exceptionnelle et ne se font pas prier pour cueillir les grains transformés en billes de glace. Une fois décongelé dans les chais, ce raisin libérera tous ses arômes, accumulés grâce aux champignons de la pourriture noble. Ce qui donne un des vins les plus chers du vignoble alsacien.
Reportage Outback Images - Texte Roger Cans, photos Frédéric Engel, Christophe Meyer