Prenant le contrepied de la devise « pour vivre heureux, vivons cachés » (l’art de disparaître), nombre d’animaux ont choisi a contrario de s’exhiber afin d’avertir leurs adversaires : une manière de leur signifier l’existence d’un danger bien réel… ou tout simplement d’abuser de leur crédulité par un génial coup de bluff !
Prenons le petitdendrobate fraise, une grenouille de 2,5 cm de longueur aussi carminée que le fruit auquel son nom est associé : il ne craint pas, après un repos nocturne sous une souche, de refaire surface au matin, à l’heure où les cohortes d’amphibiens battent en retraite, redoutant pour leur vie au grand jour. Car notre dendrobate dispose d’un argument de poids pour se pavaner ainsi : des glandes sécrètent des toxines qui endommagent le système nerveux de ses ennemis ; ennemis qui se souviennent à vie de cette particularité… s’ils en réchappent !
Le dendrobate fraise n’est pas la seule grenouille dans son genre, loin s’en faut : d’autresdendrobates des forêts tropicales d’Amérique centrale et du Sudpartagent avec lui des couleurs vives (rouge vif, bleus cobalt et céruléen, jaune…) qui sont des avertisseurs visuels signalant sans ambages leur toxicité. Chez nous, lecrapaud sonneur à ventre jaune, apeuré, s’immobilise sur le dos et fait le mort, révélant sa coloration ventrale inquiétante qui est synonyme de danger.
Du côté des insectes, unpapillon vénézuélien du genre Saisse protège derrière une apparence de façade qui le fait ressembler à un autre papillon réellement toxique. Lepapillon-hibou costaricainarbore un ocelle en forme de faux-œil pour effrayer ou canaliser les coups de bec des oiseaux insectivores qui épargnent ainsi les organes vitaux. Ici, dans notre nature de proximité, uncoléoptère du genre Clytuset des mouches du groupe des syrphes s’exhibent à découvert, car leur abdomen rayé de jaune alimente la confusion avec des guêpes agressives…
Les reptiles ne sont pas en reste. Notre inoffensivecouleuvre verte et jaunedispose de sa capacité vocale à souffler et à chuinter en présence d’un danger qui la surprend à l’improviste. Et chez les oiseaux – mais la preuve reste à apporter – qui sait si notremartin-pêcheurn’arbore pas à bon escient un plumage rutilant pour rappeler à d’éventuels prédateurs que sa chair est immangeable ?
Sous toutes les latitudes, les exemples pullulent… L’observateur curieux prendra plaisir à les découvrir ! A l’autre bout de la Terre comme dans nos campagnes, les animaux qui mettent en avant leur dangerosité réelle sont légion ; de même que les « petits malins », parfaitement inoffensifs, exploitant la stratégie de l’intimidation et du bluff en se faisant passer pour des espèces à éviter à tout prix !