Le repos des guerriers
En montagne, les bouquetins des Alpes passent l'hiver en grands troupeaux et se séparent en été. Mâles et femelles grimpent alors en altitude, mais chacun de leur côté.
Pas la peine de les chercher aux jumelles, ils sont là, tranquilles et majestueux. Couchés sur une crête herbeuse des Alpes, les bouquetins mâles vivent en petits groupes au rythme paisible de l'été. Leur programme : pâturage à l'aube et au crépuscule, et repos la journée. Ils descendent deux fois par jour dans la vallée la plus proche pour y chercher des graminées, mais ils se reposent toujours en altitude (entre 3 000 et 3 300 mètres).
Cornes à cornes La sieste avec vue panoramique offre l'avantage de surveiller les environs. Mais depuis la tour de guet des mâles, une détonation vient parfois troubler le silence de la montagne. Cornes contre cornes, deux boucs s'affrontent. Car même si la période de rut n'a lieu qu'en hiver, les bouquetins mâles sont des guerriers dont les chances de reproduction sont liées à la position hiérarchique qu'ils occupent au sein du troupeau. Et bien sûr, celle-ci peut toujours être remise en question par un combattant plus fort ou plus hardi... D'autres fois, ce sont seulement des jeunes mâles qui s'entraînent au combat. On les reconnaît facilement car il est impossible de les confondre avec des femelles. Plus lourds et plus charpentés, les boucs mesurent jusqu'à 90 centimètres au garrot, soit seulement 10 centimètres de plus que les femelles, mais leurs cornes sont plus épaisses et plus spectaculaires, pouvant mesurer jusqu’à 1 mètre de long… contre 30 centimètres en moyenne chez les femelles adultes !
Nurseries discrètes Loin des rivalités entre mâles, les femelles ont d'autres préoccupations : elles passent l'été à s'occuper de leurs cabris. Bien après la période du rut et des accouplements, les étagnes mettent bas entre le mois de juin et le mois de juillet, au terme de 165 à 170 jours de gestation. C'est à ce moment-là que se forment les chevrées : plusieurs dizaines d'animaux regroupés en hardes, qui comprennent des femelles seules ou avec leur cabri, des jeunes des deux années précédentes et parfois des jeunes mâles solitaires. Ces petits troupeaux saisonniers ont un objectif commun : gagner les hauteurs de la montagne pour fuir la chaleur estivale et se mettre à l'abri du danger dans les falaises. Là-haut, toutefois, les femelles n'ont pas du tout le même rythme de vie que les mâles. Elles consacrent beaucoup moins de temps au repos et se relaient sans cesse pour se nourrir et protéger les cabris des attaques de prédateurs (le loup, le lynx et l'aigle royal). Heureusement, les bouquetins n'ont plus à se méfier de l'homme depuis 1981. Intégralement protégée sur tout le territoire national, l'espèce a même été réintroduite pour renforcer les populations. Alors qu'ils n'étaient plus qu'une soixantaine en 1936, les bouquetins seraient aujourd'hui plus de 10 000 à arpenter les Alpes françaises. Eté comme hiver.
Reportage Outback Images : Texte Emmanuelle Figueras, photos (selon choix) ![]() |
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