Un mois par an, le cerf élaphe règne en maître dans les forêts d'Europe. C'est en automne, au moment de la reproduction, qu'il est le plus puissant. Le cri d'appel ou de défi amoureux des mâles, le brâme, occupe alors tout l'espace...
Un cri sauvage qui semble venu du fond des âges : sorte de mugissement rauque et puissant, le brâme du cerf élaphe s'entend à des kilomètres de distance. Il séduit les femelles autant qu'il impressionne les mâles. Dès mi septembre, ce chant quasi préhistorique occupe tout l'espace forestier. Surtout à l'aube ou au crépuscule, et un peu partout en France, depuis que ces grands herbivores ont été réintroduits : on estimait à plus de 160000 individus la population de cerfs en 2010. Avec une taille et un poids impressionnants, les grands cerfs mâles sont des animaux très spectaculaires : deux fois plus massifs que les femelles (jusqu'à 2,60 mètres de long pour un poids de 160 à 300 kg, contre un poids maximum de 150 kg pour les biches) ce sont les plus grands cervidés d'Europe ! Mais malgré leur corpulence, ils restent des animaux craintifs et assez difficiles à observer en dehors de la période de reproduction.
Le poids des bois
Discrets pendant la majeure partie de l'année, les « cerfs nobles » qu'on appelle aussi les « rois de la forêt » sortent de leur réserve en automne. Poussés par l'urgence de la reproduction, ils en oublient toutes règles de prudence et s'aventurent jusque dans les lisières et les prairies avoisinantes des forêts. A cette période, il peut même être dangereux de les approcher de trop près... Frénétiques, les mâles sont irritables et agressifs. Les bois qu'ils ont perdus à la fin de l'hiver ont repoussé. Fin août, ils sont déjà plus grands et plus solides qu'à la saison précédente. Prêts au combat. Ces bois sont des ramifications osseuses qui se divisent en plusieurs cors ou andouillers, dont le nombre augmente au fil des années. Un cerf dans la force de l'âge (entre 9 et 10 ans) peut porter 10 à 15 andouillers répartis en deux paires de 10 kilos chacune : une arme redoutable qui lui assure une supériorité absolue sur ses rivaux. Plus vigoureux que jamais, c'est à cette période de l'année que les vieux mâles retrouvent les femelles dont ils s'étaient séparées à la fin de l'hiver dernier. Commence alors la période de rut proprement dite, frénétique et éprouvante, les mâles étant soumis à plusieurs impératifs. Pour assurer leur descendance, ils doivent à la fois surveiller leur harem (jusqu'à 30 biches), s'accoupler, attirer les femelles des hardes voisines et écarter les autres mâles concurrents.
Forces et faiblesses
La très courte période de fécondité des biches (moins d'une journée) attise les rivalités entre mâles. Face à l'urgence de la situation, ceux-là s'opposent en de violents combats. Si quelques manoeuvres d'intimidation suffisent à décourager les plus jeunes d'entre eux, les plus expérimentés s'affrontent à coups de bois. Face à face, leurs ramures s'entremêlent pour tenter de renverser l'adversaire. Les chocs sont souvent violents et il arrive que deux grands cerfs restés coincés finissent par mourir d'épuisement... Mais même quand l'issue d'un combat est favorable, le vainqueur n'a jamais de répit. A peine le temps d'avaler quelques glands ou quelques châtaignes, que le cycle éprouvant du rut recommence. Une fois la période de reproduction terminée (mi octobre), les grands mâles sont épuisés et amaigris. Les plus vaillants d'entre eux peuvent perdre jusqu'à 20 kilos en une saison ! C'est à ce moment-là qu'une nouvelle urgence s'installe : pour assurer leur survie, les cerfs doivent impérativement se reposer et se nourrir. Objectif ? Reprendre des forces en vue de l'hiver qui s'annonce...
Encadré / Secrets de biches
Fécondées en automne, les biches mettent bas en juin, après 8 mois et demi de gestation. Mais pour échapper aux prédateurs (renard, sanglier), les naissances se déroulent toujours dans la plus grande discrétion, souvent la nuit. Rares sont ceux qui ont pu les observer. Les faons tiennent debout une demi-heure après leur naissance, mais, trop fragiles, ils restent cachés seuls dans les hautes herbes, protégés par leur pelage tacheté. Ils rejoignent les groupes de femelles avec leur mère seulement au bout de quelques jours.