Quand un roi bâtisseur se révèle aussi un amoureux des plaisirs de la table, rien n’est impossible. Tandis que Perrault et Mansard agrandissaient le Palais de Versailles et que Le Nôtre traçait ses bosquets et ses jardins, Louis XIV songeait à l’établissement d’un merveilleux potager qui lui offrirait en toutes saisons les légumes et les fruits dont il raffolait. C’est ainsi qu’il confie à son jardinier, Jean-Baptiste de la Quintinie, une tâche à la fois grandiose et quelque peu démesurée, créer un verger et un potager dignes de sa splendeur.
Le site choisi est le cadre de l’Orangerie, en voie d’achèvement, et de la pièce d’eau des Suisses que des centaines d’ouvriers sont en train de creuser. Le terrain de 8 ha –en ce siècle qui n’était pas « de petites choses » comme se plaisait à le dire Colbert- destiné à ce projet n’est alors qu’un infâme marécage surnommé le « Trou pourri » ou l’ «Etang puant », et la qualité des sols « à peu près de la nature de celle qu’on voudrait trouver nulle part » selon les propres termes de La Quintinie. Mais qu’importe, les désirs du monarque sont des ordres. Le marais est remblayé et recouvert de bonnes terres arables, enrichies par le fumier fourni par la Petite Ecurie du Roi, drainage et arrosage sont installés,… bref un travail de titan que Jean-Baptiste de La Quintinie, travailleur acharné, réussit à réaliser, conjuguant la pratique et le beau, son ingéniosité s’épanouissant dans la construction d’un système très élaboré de terrasses et de murs qui crée une succession de microclimats et diversifie la production de fruits et de légumes. Précurseur, il est capable de présenter à la table royale asperges en décembre, laitues et radis en janvier, fraises en mars…
Après sa disparition en 1688, le Potager continuera à fournir les tables royales. Aujourd’hui y règnent encore 6 jardiniers qui toute l’année plantent, taillent, arrosent, traitent et récoltent des productions de haute qualité, productions que Philippe Letourneur, chef du restaurant « Le Potager du Roi », se fait un plaisir de faire déguster dans son établissement.
Visiter ce lieu, c’est entrer dans un lieu chargé d’histoire, classé aujourd’hui monument historique… et se dire que le Roi-Soleil avait eu vraiment la main heureuse en choisissant son jardinier ! (HIN)